Certaines décisions sont plus difficiles à prendre que d’autres, notamment lorsqu’il s’agit de décider dans l’urgence. Deux films basés sur des histoires vraies relatent le contexte et le déroulement d’événements présentant des niveaux d’urgence et de complexité élevés : un atterrissage miraculeux et une catastrophe industrielle.
- Le film Sully de Clint Eastwood (voir la bande annonce) relate l’enquête du National Transportation Safety Board sur l’amerrissage d’urgence du vol US Airways 1549 effectué par le capitaine Chesley Sullenberger sur la rivière Hudson le 15 janvier 2009 qui a sauvé 155 vies. Le rapport d’enquête concluait que la décision du capitaine d’amerrir sur la rivière Hudson était « la plus appropriée ».
- Le film Deep Water Horizon de Peter Berg (voir la bande annonce) relate les événements du 20 avril 2010 où la plate-forme pétrolière flottante située au-dessus d’un puits situé à 1500 mètres de profondeur a explosé, tuant 11 des 126 personnes travaillant sur place ce jour-là. Pendant 87 jours le puits a déversé environ 210 millions de litres de pétrole dans le golfe du Mexique, aujourd’hui l’une des plus grandes zones mortes aquatiques au monde.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces expériences ?
Prendre un temps de recul pour évaluer la situation
Même lorsqu’il s’agit de décider dans l’urgence absolue, un temps de recul minimum est nécessaire pour prendre une bonne décision.
Il a fallu un peu plus de 30 secondes au capitaine Sullenberger pour évaluer les risques des options proposées par la tour de contrôle et retenir une meilleure alternative. Dans un article à Newsweek[1], il précise que sa priorité était de sauver des vies et de s’assurer d’y parvenir quelle que soit l’option retenue.
Les contraintes de temps peuvent amener les décideurs à négliger certains facteurs ou à minimiser certaines anomalies. Le 20 avril 2010, les ingénieurs travaillaient sous pression alors que les travaux sur la plateforme pétrolière Deepwater Horizon avaient plus de 43 jours de retard. Se peut-il que cet élément ait eu une incidence sur l’évaluation de la situation et des risques de la décision de pomper la boue de forage qui obstruait le puits dont la qualité du coffrage en ciment était incertaine ? Selon le rapport d’enquête, certaines activités critiques pour la sécurité auraient nécessité un examen plus approfondi : « le test de pression négative a été validé bien que l’intégrité du puits n’ait pu être établie » et « une plus grande rigueur technique et des tests sur le ciment […] auraient permis d’identifier la faible probabilité qu’il puisse isoler la zone. »
Combien de temps vous donnez-vous pour décider ? Quel impact a le sentiment d’urgence ou la pression sur la qualité de votre discernement ?
Identifier les options et évaluer leurs conséquences
Quelles sont vos options ? Pour prendre de bonnes décisions, il est nécessaire d’identifier au moins deux ou trois options différentes.
La priorité pour le commandant Sully était de ramener sains et saufs 155 passagers d’un avion ayant perdu ses deux moteurs et d’éviter un crash dans une zone densément peuplée. Aucune des deux options proposées par la tour de contrôle — retourner à La Guardia ou à l’aéroport de Teterboro — ne paraissait satisfaisante pour garantir la sécurité des personnes. Le commandant de bord a alors identifié une troisième option qui s’est avérée être la meilleure.
Si vous ne pouvez penser qu’à une option dans votre processus de prise de décision, il est préférable de reconsidérer la situation et de chercher d’autres possibilités. En effet, lorsque nous sommes sous pression pour atteindre un objectif, notre capacité à analyser le contexte et son évolution et à réviser nos options en conséquence peut être altérée. Dans le rapport d’enquête sur l’accident de DeepWater Horizon, BP a reconnu qu’une « meilleure gestion des risques […] par l’équipe du puits BP Macondo aurait pu […] conduire à des mesures d’atténuation du risque supplémentaires ».
Mettre ses préjugés à l’épreuve des faits et décider avec intégrité
Les biais émotionnels et cognitifs affectent le jugement et le processus de décision. Face à l’incertitude, le décideur peut être tenté, pour sortir de l’inconfort, de se baser sur une réflexion stéréotypée voire simpliste, ou de s’en remettre à la préférence d’une figure d’autorité (client, patron, personne d’influence) pour effectuer son choix, plutôt que de faire preuve de jugement et de s’appuyer sur ses propres valeurs et convictions. Être conscient des biais qui peuvent affecter la réflexion et le jugement est un point de départ pour prendre une décision éclairée.
Décider dans l’urgence, ou dans une situation complexe et incertaine, cela demande du courage. Savoir au plus profond de soi que l’on a fait de son mieux apporte de la sérénité.
Et vous, comment prenez-vous vos décisions ?
Sylvie-Nuria Noguer
[1]Article du Newsweek
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